Bien que mes goûts littéraires tendent vers l'éclectisme, j'aime toujours revenir au thriller, mon genre de prédilection. Récemment, j'ai été agréablement surprise par le roman étonnant d'une auteur talentueuse : Apnée noire de Claire Favan.

Méfiez-vous des apparences
A peine un an après s'être éveillée d'un cauchemar macabre, la ville de Colombia, aux Etats-Unis, doit à nouveau faire face à l'intolérable : la série de meurtres a repris. C'est toujours la même signature, une femme, pieds et poignets liés par une corde bleue, retrouvée noyée dans sa baignoire. Cette signature, c'est celle de Vernon Chester, le serial killer qui a fait trembler la ville. Mais voilà, Chester a été exécuté il y a un an. A-t-on affaire à un imitateur ou le FBI s'est-il trompé de cible ? L'agent spécial Megan Halliwell a son avis sur la question, mais elle doit bien composer avec la police locale, et notamment ce Vince Sandino, un flic raté sur la pente descendante...

A la lecture des premières pages d'Apnée noire, j'ai bien cru à un polar lambda, digne d'un bon épisode des Experts : efficace mais sans surprise. C'était sans compter sur l'imagination perverse de Claire Favan, qui a bien écrit là un excellent thriller. Rapidement, on sort des codes classiques du roman policier, l'intrigue se creuse et devient de plus en plus complexe, marquée par des impasses et des rebondissements multiples.

Toute l'intelligence de ce roman réside dans la profondeur des personnages principaux, les enquêteurs Halliwell et Sandino, et dans leur perception de l'enquête. J'ai entendu Stephen King dire qu'un roman ne vit pas par son intrigue, mais par ses personnages. Cette affirmation trouve toute sa résonance dans Apnée noire, dont le déroulement est plus que jamais influencé par les perceptions, les doutes et les certitudes de ses protagonistes. Avec une habileté sadique et un style qui tranche dans le vif, Claire Favan balade son lecteur et l'emmène exactement là où elle le veut, en le faisant passer par de fausses pistes qu'elle prend ensuite un malin plaisir à dégommer.

Avec son rythme soutenu, son intrigue en épingle à cheveux et ses personnages complexes, Apnée noire m'a laissé sur une excellente impression. A lire si vous aimez les surprises.

Apnée noire de Claire Favan, Pocket, 2015, 380 pages
Il y a parfois des moments où j'ai besoin d'un livre courte, drôle et surtout sans prise de tête pour m'aérer l'esprit. Ma dernière lecture, La Philosophie selon Bernard de Patrice Jean, répond à ces trois critères.

La philosophie dans le caleçon
Bernard Michaud est ce qu'on appelle un beauf. Un bon gros couillon à l'esprit mal placé, reconnaissable à ses blagues vaseuses, son attitude queutarde et ses jugements à l'emporte-pièce. Le genre de type qui méprise de loin la philosophie sans jamais s'en être approché. Mais lorsque Christine, sa supérieure dont il lorgne le postérieur à longueur de journée, déclare un jour "Oui mais Bernard, c'est un philosophe", l'individu se rend à l'évidence : lui, le philosophe qui s'ignore, va remettre son esprit en route pour faire profiter à l'humanité de ses pensées... et mettre Christine dans son lit.

En mettant en scène les tribulations philosophiques de son personnage, Patrice Jean s'est fait plaisir : Bernard-vote-à-droite parmi les altermondialistes, Bernard le réac' dans une réunion de profs, Bernard l'amateur de soirées bière-match de foot dans un café philo... il lui a fallu en subir, des épreuves, pour se taper la Christine. Au fil des aventures de Bernard, on rit devant les situations cocasses dans lesquels se met le pauvre bougre, mû par son "esprit philosophique" tout entier contenu dans son caleçon.

Mais rapidement, l'esprit beauf revient au galop et Bernard redevient lourd et lassant, ce que l'auteur ne manque pas de souligner. D'ailleurs, tout le monde, dans son livre, en prend pour son grade : de l'illustre Bernard, dont le cerveau se situe la plupart du temps sous la ceinture, à son rival, Michel Le Berre, philosophe bobo prônant encore la lutte des classes, en passant par leurs admirateurs et admiratrices, toujours prêts à gober leurs paroles les plus incongrues, pourvu qu'elles aient l'air d'avoir été déclarées en philosophe. Au fond, tous les personnages ont leur lot de ridicule et s'accrochent aux théories de grands philosophes dont ils n'ont rien compris pour justifier leurs petites idées. Aristote, Platon, Nietzsche, Descartes et tous les auteurs cités ont de quoi se retourner dans leur tombe.

Côté style, la plume de Patrice Jean est bien affûtée et ironique à souhait. Le comique de situation est redoublé par le malin plaisir que prend l'auteur à choisir des mots qui décrivent la médiocrité qui nous entoure... et qui font mouche. Une belle tranche de rire en perspective.

La Philosophie selon Bernard de Patrice Jean, Pocket, 2015, 152 pages
En règle générale, j'aime bien "souffler" entre deux tomes d'une trilogie en lisant un livre d'un genre différent. Mais une fois lu le premier volet du Chat du jeu de quilles de Florence Clerfeuille, j'ai eu envie d'en connaître la suite sur le champ. Je me suis donc ruée sur le tome deux, et je n'ai pas été déçue.

Alerte enlèvement en terre aveyronnaise
Le second tome du Chat du jeu de quilles démarre sur un événement inattendu qui agite la tranquillité du village : après avoir révélé dans la presse l'identité du meurtrier du père Pommier, Manon a mystérieusement disparu. Si certains ne semblent pas bouleversés par cette disparition, Marc, lui, met tout en oeuvre pour la retrouver. 

Dans cet opus, l'intrigue se resserre autour de Marc, qui vadrouille entre l'Aveyron et Paris à la recherche d'indices pouvant le mettre sur les traces de Manon. Il rencontre notamment deux personnages hauts en couleurs : la mère et la grand-mère de la jeune femme, toutes aussi originales qu'elle. Ce second tome est également l'occasion d'approfondir la personnalité de certains habitants du village qui s'étaient faits plutôt discrets jusqu'à présent.

Au final, Florence Clerfeuille livre là un deuxième opus plus dynamique, plus rythmé et encore plus addictif que le premier. Avec une intrigue pleine de rebondissements et de surprises, le suspense est à son comble.

La seule frustration de ce roman, c'est de devoir en attendre la suite, à paraître en juin prochain. Soyez certains que je serai parmi les premiers à lire le troisième et dernier tome du Chat du jeu de quilles et que je vous en parlerai sans faute. En patientant, plongez-vous dans les deux premiers volets de cette trilogie à fort potentiel.

Le chat du jeu de quilles, tome 2 : Qu'est-il arrivé à Manon ? de Florence Clerfeuille, 196 pages
Tome 1 et tome 2 disponibles en ebook sur Amazon
Tome 3 à paraître en juin 2015
Si vous me suivez depuis quelques temps, vous connaissez ma prédilection pour les romans à suspense et à l'intrigue bien ficelée. Alors, quand Florence Clerfeuille m'a parlé de sa trilogie Le chat du jeu de quilles, un polar aveyronnais dont l'un des personnages principaux est un chat, je n'ai pas hésité une seconde. J'ai d'ailleurs bien fait, car le premier tome est une formidable découverte.

Enquête en terre aveyronnaise
Marc est un ancien journaliste. Mis à la retraite sans qu'on lui demande son avis, il tourne en rond dans son appartement parisien. C'est alors que Manon, sa jeune collègue, l'invite à la suivre dans un petit village au cœur de l'Aveyron. Là-bas, il y a dix ans, l'une des figures du village, le père Pommier, s'est fait froidement assassiner, sans que son meurtre n'ai jamais été élucidé. Il n'en faut pas plus à Marc pour tout plaquer, venir s'installer avec Manon dans le village, et mener l'enquête pour savoir enfin qui a tué le père Pommier. Même si ça ne plaît pas à tout le monde...

Oubliez toutes vos idées reçues sur les romans régionaux et les intrigues rurales. En ouvrant ce roman, préparez-vous à vivre en immersion totale dans un petit village de l'Aveyron, où tout le monde vit sa vie... en apparence. En réalité, on est loin des après-midi plan-plan passés à jouer aux quilles de huit et des apéros à la bière au Café des Sports. Derrière cette façade bien tranquille, tout le village ne parle que d'une chose : l'arrivée de Marc et Manon, ce jeune couple à la différence d'âge trop grande, qui rappelle curieusement Clotilde, la jeune épouse du père Pommier retrouvée pendue dans une grange il y a dix ans. Et par le plus grand des hasards, voilà que son chat, un matou qu'on avait plus vu depuis la mort de la jeune femme, refait surface au village. 

Dans le premier tome de sa trilogie, Florence Clerfeuille mélange avec brio un talent certain pour le polar (même si le flic, en l'occurrence, est un journaliste à la retraite) et un tableau réaliste et touchant de l'Aveyron, un pays qu'elle connaît bien. Pas de doute, il s'agit bien là d'un roman aveyronnais pur jus, infusé aux quilles de huit, le sport régional. En bons ruraux qui se respectent, les habitants du village sont méfiants envers les nouveaux arrivants (surtout quand ils sont Parisiens !), surtout lorsque ceux-ci sont venus pour remuer les vieilles affaires.

Dès les premières pages, je me suis surprise à dévorer ce roman avec avidité. Comme Marc et Manon, je ne voulais savoir qu'une chose : qui a tué le père Pommier. Et je dois dire que je ne suis pas déçue. L'intrigue est bien ficelée, bien rythmée et sans le moindre temps mort : vous avez beau vous trouver dans un village où la moyenne d'âge doit être de soixante ans, vous n'avez pas le temps de vous ennuyer !

Côté plume, c'est également une belle surprise : Florence Clerfeuille écrit dans un style vif, comme ses personnages, sans pour autant sacrifier la langue sur l'autel de l'intrigue. Je reconnais là d'ailleurs l'influence de l'écrivain Jean-Philippe Touzeau, que l'auteur remercie à la fin de son livre.

Avec une intrigue saisissante, des personnages entiers et un style bien vivant, Le chat du jeu de quilles a tout pour plaire. Si vous cherchez un roman atypique, à l'atmosphère rurale si dépaysante, ne cherchez plus : vous l'avez trouvé.

Le chat du jeu de quille, tome 1 : Qui a tué le père Pommier, de Florence Clerfeuille, 195 pages
Tome 1 et tome 2 disponibles en ebook sur Amazon
Tome 3 à paraître en juin 2015
Bien que très peu habituée à lire de la romance, j'ai été doublement attirée lorsque j'ai entendu parler du nouvel opus de Rainbow Rowell, A un fil : d'abord par l'envie de découvrir son auteur qui a conquis le cœur de nombreux lecteurs avec ses romances Fangirl et Eleanor & Park. Ensuite par son intrigue qui semblait annoncer une belle uchronie. Malheureusement, ce fut une lecture sans surprise qui m'a laissée sur ma faim.

Le passé au bout du fil
Au lieu d'aller passer les fêtes de Noël chez ses beaux-parents dans le Nebraska, comme tous les ans, Georgie décide de rester à Los Angeles pour travailler sur le projet de sa vie. C'en est trop pour Neal, son mari, qui part seul avec leurs deux filles, sans donner de nouvelles ni répondre au téléphone. Alors que leur mariage bat de l'aile depuis des années, cette fois-ci, tout semble terminé pour de bon. C'est alors que Georgie ressort un vieux téléphone jaune à cadran qui prenait la poussière chez sa mère, dans sa chambre de jeune fille. Contre toute attente, ce vieux coucou lui permet de discuter avec Neal... quinze ans plus tôt. Ce retour en arrière est-il l'occasion de réparer ses erreurs et d'influencer le présent ?

Si ça n'est pas une belle promesse d'uchronie, c'est-à-dire une réécriture du présent en modifiant les événements du passé, comme dans Retour vers le futur, je ne m'y connais pas ! Rapidement, l'auteur développe son intrigue et nous porte à croire que ce fameux téléphone jaune, à la manière de la DeLorean (oui, j'ai envie de filer la métaphore), va remarquablement influencer le cours des événements et la relation de Neal et Georgie. C'est du moins ce à quoi je m'attendais. A mon grand désarroi, Rainbow Rowell ne fait que survoler le sujet et nous livre ni plus ni moins qu'une romance somme toute banale.

Certes, les points positifs sont nombreux : les personnages sont attachants (même si Georgie, à la quarantaine, a encore la fâcheuse tendance de se comporter comme une ado), leur relation est complexe et on prend réellement plaisir à suivre leur histoire. L'écriture est simple mais efficace et le bond en plein cœur des années 90 a de quoi rendre nostalgique. Malheureusement, tout ce plaisir est gâché, pour moi, par une intrigue beaucoup trop prévisible malgré un gros potentiel, et par ce sentiment rageant que, mince alors, à quoi bon écrire tout un roman pour se retrouver au même point au départ comme à l'arrivée ?

J'ai passé un bon moment (au début) en lisant A un fil, mais je me suis vite lassée. Il s'agit là d'un roman qui plaira probablement aux amateurs de romance ou aux fans de l'auteur. Pour ma part, je parlerais plutôt de déception et de promesse non tenue. Dommage.

A un fil de Rainbow Rowell, Milady, 2015, 413 pages
Vous vous souvenez probablement de la trilogie Requiem pour Sascha d’Alice Scarling, dont j’avais dévoré le premier tome, Lacrimosa, et sa suite, Dies Irae. Le troisième volet, Agnus Dei, est sorti il y a quelques jours, et c’est avec tout autant d’enthousiasme et de plaisir que je l’ai savouré. Un troisième tome qui clôture la saga avec brio.

L'heure des choix
A la fin du tome 2, Alice Scarling nous laissait avec une Sascha en bien mauvaise posture. Dans Agnus Dei, elle fait preuve de clémence envers ses lecteurs en reprenant le récit à l’endroit même où elle l’avait laissé. Finis néanmoins le comique de situation à tout va et les pirouettes heureuses pour se sortir in extremis d’un mauvais pas, il s’agit là clairement du tome le plus sombre de la trilogie. L’Apocalypse est imminente et les événements de la fin du tome 2 ont opéré un revirement dans la personnalité de Sascha qui, bien que toujours à fleur de peau, est devenue craintive et taciturne. Elle intériorise la grande majorité de ses émotions, dont seul le lecteur a désormais la primeur, ce qui donne lieu, vous vous en doutez, à de nombreux malentendus avec ses acolytes.

Parlons-en, d'ailleurs, de ses acolytes. Sans surprise, Alice Scarling réunit les deux compagnons de Sascha, Raphaël et Zekiel, ce qui, bien sûr, ne fait qu’embrouiller les idées de l’héroïne déjà bien amochée. Après avoir goûté aux deux, la voilà maintenant obligée de faire un choix (pour ma part, j’ai une préférence pour Zekiel, mais après avoir discuté à quelques lectrices, il s’avère que Raphaël a aussi son nombre d’admiratrices).

Mais la nouveauté de ce tome 3, c’est l’arrivée d’un nouveau personnage, et pas des moindres, puisqu’il s’agit du fils de Dieu. Attention, oubliez le Jésus chaste et barbu que vous connaissez, Alice Scarling revisite le mythe à sa sauce. Ici, le fils de Dieu s’appelle Kevin (non, ça n’est pas une blague), il est gay et travaille comme stripteaseur dans un club SM. C’est ce qu’on appelle une réinterprétation.

Côté intrigue, l’Apocalypse prend un tour inédit et la mission se corse à mesure que Sascha voit ses certitudes balayées les unes après les autres par des révélations surprenantes. Le passé de Sascha, tout comme celui de Raphaël et Zekiel, se désépaissit, et la division du monde entre Ordre et Chaos n’est plus si évidente que cela.

Si je ne devais émettre qu'une réserve, ce serait sur la fin, trop rapide à mon goût par rapport au reste du roman tout en développement. J'ai également trouvé les différents choix de Sascha curieusement faciles comparés à ses hésitations maladives tout au long des trois tomes.

Hormis ce petit couac, la trilogie est un sans faute. Avec son style nerveux, son humour très présent et son intrigue originale, Alice Scarling parvient à nous tenir en haleine et à nous emporter dans son univers singulier. A découvrir de toute urgence.

Requiem pour Sascha, tome 3 : Agnus Dei d’Alice Scarling, 2015, Milady, 379 pages

Il y a des livres qui, une fois commencés, sont impossibles à lâcher tellement ils vous entraînent dans une dimension parallèle. Le dernier que j’ai lu est de ceux-là : La Vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker, 850 pages de pur bonheur.

« Un bon livre est un livre que l’on regrette d’avoir terminé »
Cette citation d’un des personnages principaux du roman résume à la perfection le sentiment que j’ai à propos de ce livre. Malgré son succès immédiat à sa sortie en 2012, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert ne m’avait jamais vraiment intriguée. Quand ma collègue de travail m’a proposé de me le prêter, je dois donc avouer que c'est avec une certaine indifférence que je l’ai commencé. C’était un bien mauvais jugement : quatre jours après l’avoir terminé, j’y pense encore et j’aimerais déjà le relire.

33 ans après sa disparition dans la petite ville d’Aurora dans le New Hampshire, Nola Kellergan, 15 ans, est retrouvée assassinée, enterrée dans le jardin de Harry Quebert, un écrivain de légende dont le chef d’œuvre est étudié dans toutes les écoles d’Amérique. Alors que tout semble le désigner, Marcus Goldman, son « fils spirituel », à qui il a tout appris, fait le déplacement jusqu’à Aurora pour faire disculper son ami.

L’intrigue paraît simple au début, mais elle ne le reste pas longtemps. Tout au long des 850 pages, Joël Dicker réussit le tour de force de capter l’attention du lecteur avec une maîtrise des péripéties époustouflante. Il vous en met plein la vue, vous fait croire à des hypothèses qu’il s’amuse à démonter par la suite, bref, il joue avec vos nerfs pour ne vous révéler la vérité triomphante qu’à la toute dernière page.

Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est cette intrigue à la croisée des chemins, ce mélange de thriller, de polar, de roman d’amour et de récit initiatique. Cette déclaration d’amour aux livres et aux gens. Le tout lié par une écriture fluide et légère

Ne faites pas l’erreur que j’ai commise en passant devant ce roman sans vous arrêter : si vous en avez l’occasion, lisez-le plutôt deux fois qu’une.

La Vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker, Editions de Fallois (poche), 2014, 854 pages

Me voici de retour après une énième panne générale de lecture et d’écriture qui, je l’espère, est révolue. En ces temps tristes et moroses, on a parfois l’envie de partir, de se retirer du monde et de ne vivre que pour la beauté des instants éphémères. Certains ne se contentent pas de le dire, ils le font. C’est le cas de Sylvain Tesson, cet écrivain baroudeur qui, en 2010, a passé 6 mois dans une cabane au fin fond de la Sibérie, au bord du lac Baïkal. De cette expérience hors du commun, il a écrit un livre à la fois beau et touchant, Dans les forêts de Sibérie.

Ce séjour en cabane raisonne en moi d’une manière particulière. Tout d’abord parce que j’aime la Russie, c’est un pays où j’ai vécu, dont je parle la langue et dont, quoi qu’on puisse en dire, j’aime les gens. Ensuite parce que le projet de Sylvain Tesson, j’en ai entendu parler bien avant son départ. En 2010, c’était l’Année France-Russie, douze mois de célébrations des cultures russe et française organisées simultanément dans les deux pays. Depuis fin 2009, j’étais stagiaire, dans le cadre de mes études de russe et de communication, dans l’agence conjointe du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de la Culture chargée d’organiser l’Année France-Russie. Plusieurs fois, j’ai croisé Sylvain Tesson dans les couloirs, et j’avoue que son projet de partir seul en Sibérie m’a toujours fascinée.

Eloge de la lenteur au cœur des bois
Pour revenir au livre, j’ai tout de suite aimé cette atmosphère clairement dépaysante qui règne du début à la fin. Nostalgique, j’y ai reconnu certains aspects de la vie russe, du climat (même si j’ai vécu dans la capitale et non en Sibérie) et du caractère à la fois bourru et hospitalier des gens, qui me font aimer ce pays.

Jour après jour, Sylvain Tesson fait le récit de ses journées, en apparence vides, de ses rencontres, pas si rares que cela, de ses états d’âme aussi, sur le bonheur d’être seul, de ne vivre que pour soi et de pouvoir contempler la nature sans se soucier du temps qui passe. Ses compagnons de route, ce sont les livres et la vodka. Les uns pour vaincre l'ennui et réfléchir à sa condition, l’autre pour rester au chaud et fraterniser avec les visiteurs de passage. 

Quand on se méfie de la pauvreté de sa vie intérieure, il faut emporter de bons livres : on pourra toujours remplir son propre vide. L'erreur serait de choisir exclusivement de la lecture difficile en imaginant que la vie dans les bois vous maintient à un très haut degré de température spirituelle. Le temps est long quand on n'a que Hegel pour les après-midi de neige. (p.32)

Mais plus que tout, Sylvain Tesson disserte sur l’ermitage et ce qu’il a gagné en se retirant de la société. Une vie beaucoup plus simple, beaucoup plus lente, une vie où on redécouvre la beauté époustouflante du monde, une vie où contempler une mésange jouer dans la neige peut occuper une matinée entière.

Je suis seul. Les montagnes m'apparaissent plus sévères. Le paysage se révèle, intense. Le pays me saute au visage. C'est fou ce que l'homme accapare l'attention de l'homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend jouissance des choses. (p.36)

Côté style, il y a beaucoup de recherche. On sent que l’auteur est poète, qu’il est toujours à la recherche d’une belle image, quitte à en faire un peu trop. Mais je lui pardonne son style parfois ampoulé pour m’avoir fait retourner en Russie. Si ce pays vous fascine, si vous êtes un aventurier ou si vous souhaitez tout simplement lâcher prise le temps d’un récit, ce livre est pour vous.

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, Folio, 2013, 290 pages

C’est plus fort que moi, même si j’aime lire de tout, j’ai toujours besoin, à un moment, de revenir à mon genre de prédilection : le thriller psychologique. J’ai donc sorti de ma bibliothèque Puzzle de Franck Thilliez. Et là, je dois dire qu’en matière de psychologie, j’ai été servie, et même carrément bluffée.

Oserez-vous défier vos peurs les plus intimes ?
Tout commence un soir où Ilan, jeune homme un peu paumé qui vit seul depuis la mort de ses parents, voit débarquer chez lui Chloé, son ancienne petite amie qui l’a plaqué du jour au lendemain quelques années plus tôt. La raison de sa venue : Paranoïa, un jeu de piste grandeur nature sur lequel Ilan et Chloé ont passé tant de temps, va enfin débuter. La devise du jeu, « Paranoïa, le jeu aux possibilités illimitées. Pour 300 000 euros, oserez-vous défier vos peurs les plus intimes ? », fait froid dans le dos et son organisation est digne des services secrets les plus compétents. Au terme de plusieurs épreuves terrifiantes, Ilan et Chloé accèdent au terrain de jeu principal, un hôpital psychiatrique désaffecté, perdu au cœur des Alpes. Paranoïa peut enfin commencer…

L’intrigue principale de Puzzle se situe à Swanessong, un asile désert que les candidats doivent explorer pour y découvrir les indices qui leur permettront de résoudre l’énigme de Paranoïa. Cette ambiance ultra glauque n’est pas sans rappeler les jeux vidéo de survival horror de type Outlast (dont l’auteur s’est même peut-être inspiré ?), qui terrifient même les joueurs les plus courageux. Moi qui suis pourtant rompue à ce genre de lectures, j’ai été soulagée, à certains moments, de ne pas me trouver à la place des personnages.

Avec une intrigue véritablement construite comme un puzzle dont chaque pièce ne trouve sa juste place qu’à la toute fin du roman, Franck Thilliez démontre là sa capacité à promener son lecteur et à le faire passer par toutes les émotions : de la perplexité à la surprise, de l’angoisse à l’effroi, croyez-moi, vous ne serez pas déçu(e).

Que les amateurs de thrillers psychologiques se réjouissent : Puzzle est l’une des meilleures références du genre ces dernières années

Puzzle de Franck Thilliez, Pocket, 2014, 479 pages

Il y a une quinzaine d’années, je me suis posé beaucoup de questions sur la foi et le christianisme. J’ai alors demandé à mes parents de m’inscrire au catéchisme pour y trouver des réponses. J’y suis restée deux ans et j’ai quitté l’aumônerie deux mois avant de faire ma profession de foi, non sans faire de déçus. « Je ne suis plus certaine de croire » : c’est la raison que j’ai invoquée.

Depuis, j’appartiens à la foule des agnostiques, à qui l’enseignement du Christ plaît par certains côtés (l’amour, le partage, le pardon), mais qui n’adhèrent pas aux dogmes, à l’organisation ecclésiastique et encore moins à l’idée d’un Dieu tout puissant qui nous dicterait sa volonté (une attitude qu'a superbement résumée Sylvain Tesson dans son récit Dans les forêts de Sibérie, dont je vous reparlerai très vite).

Lorsque j’ai entendu parler du nouveau roman d’Emmanuel Carrère, Le Royaume, je savais que ce livre était pour moi. Dans cet ouvrage, l’auteur retourne vingt ans en arrière, à l’époque où il était un fervent croyant, pour analyser les raisons de cette foi qui, aujourd’hui, lui semble bien irrationnelle. Cette enquête l’emmène sur les traces des apôtres Paul et Luc, qui ont passé la plus grande partie de leur vie à véhiculer l’enseignement du Christ jusqu’à former les premières Eglises.

« Qui peut croire que l'on croie encore une chose pareille ? » (Nietzsche)
Si la première partie du Royaume peut sembler lourde et égocentrique (Emmanuel Carrère y raconte, assez pompeusement, l’avant, le pendant et l’après de sa « rencontre » avec Dieu, ce qui lui a d’ailleurs valu de nombreuses critiques), elle est indispensable pour comprendre l’objet du récit et le cheminement de l’auteur. Pour ma part, je trouve plutôt courageux de se remettre en question de cette manière. Pour ce qui est de l’égocentrisme, Emmanuel Carrère assume parfaitement ce trait de son caractère, et s’en moque même à plusieurs reprises.

Mais ce récit autocentré n’occupe qu’une petite partie de l’ouvrage. L’essentiel du Royaume consiste en une enquête sur le fait majeur à partir duquel s’est bâtie l’Eglise chrétienne, c’est-à-dire la résurrection du Christ. Pour cela, Emmanuel Carrère se concentre sur les apôtres Paul et Luc, qui ont laissé les principaux textes du Nouveau Testament : les Actes des Apôtres, les épîtres et un (ou plusieurs) Evangiles. A partir de ces textes, l’auteur retrace l’après-Jésus d’un point de vue historique et pragmatique et tente de comprendre comment s’est formé le christianisme.

Toute cette enquête est passionnante, mais il faut s’accrocher. La profusion de détails est impressionnante, et je vous recommande d’avoir une Bible et une Histoire de l’Antiquité à vos côtés si vous ne voulez passer à côté de rien. On y apprend énormément de choses, notamment sur Jérusalem, les querelles des Juifs et la gouvernance des Romains, mais également sur les disputes entre apôtres et les enseignements parfois contradictoires de Jésus.

J’ai beaucoup apprécié ce récit agrémenté de citations et tissé d'anecdotes et de réflexions de l’auteur sur son expérience, ses questionnements et sa manière de transcrire les faits, tout comme j’ai aimé les nombreuses comparaisons avec l’histoire soviétique, qu’Emmanuel Carrère connaît bien et qui me parle beaucoup. Il mène par ailleurs une enquête littéraire passionnante sur les circonstances de l'écriture de la Bible : qui l'a écrite, à quelle époque, d'après quels témoignages ? Je regrette seulement qu’il n’ait pas partagé sa bibliographie qui est, à mon avis, colossale et regorge de pépites.

Je relis ces notes [sur l’Évangile de Luc], trois ans plus tard. Elles sont à l'opposé de celles que j'ai prises sur l’Évangile de Jean, vingt ans plus tôt. Je ne crois plus que ce que je lis est la parole de Dieu. Je ne me demande plus, en tout cas plus au premier chef, en quoi chacun de ces mots peut me guider dans la conduite de ma vie. Au lieu de cela, devant chaque verset, je me pose cette question : ce que Luc écrit là, d'où le sort-il ?
Trois possibilités. Soit il l'a lu et il le recopie [...]. Soit on le lui a raconté, et alors qui ? [...] Soit enfin, carrément, il invente. C'est une hypothèse sacrilège pour beaucoup de chrétiens mais je ne suis plus chrétien. Je suis un écrivain qui cherche à comprendre comment s'y est pris un autre écrivain, et qu'il invente souvent, cela me semble une évidence. (pages 404-405)

Pour moi, Le Royaume est au fond bien plus qu’un roman historique, c’est un questionnement métaphysique, un point d’interrogation géant. Il ne m’a pas rendue moins agnostique, mais m’a donné envie de me documenter encore plus. A lire si vous aimez vous poser des questions.

Le Royaume d'Emmanuel Carrère, P.O.L, 2014, 630 pages

Je remercie Priceminister qui m'a gracieusement envoyé ce livre dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire.

Déjà fin novembre, j'ai l'impression que ce mois-ci est passé à la vitesse de l'éclair. Il n'y aura pas de vidéo bilan cette fois-ci, j'ai de plus en plus de mal à m'asseoir devant la caméra et, s'il ne devait rester qu'un seul support sur lequel partager mes avis de lecture, je préfère que ce soit le blog.

Comme au mois d'octobre, je n'ai lu que trois livres, mais ils m'ont tous beaucoup plu ! Finalement, je préfère lire moins mais y prendre plus de plaisir. Voici les trois élus :


The Secret de Rhonda Byrne
J'ai lu ce best-seller du développement personnel dans sa version originale, mais il existe en français. The Secret part d'un constat simple : vous pouvez obtenir tout ce que vous voulez, absolument tout ce que vous voulez, à condition de le demander et, surtout, de vous comporter de manière à l'obtenir. Il faut avoir l'esprit ouvert pour lire ce genre de livre, car il vous invite à être positif, généreux et heureux : eh oui, le bonheur n'est pas un but, c'est un état d'esprit. Par les temps qui courent, où la morosité et la négativité sont partout, The Secret est un vrai bol d'oxygène.



Le Royaume d'Emmanuel Carrère
Bien qu'il ait fait couler beaucoup d'encre, j'ai beaucoup aimé ce roman historique fortement teinté d'autobiographie. J'ai apprécié la démarche de l'auteur qui, quoi qu'on en dise, m'a semblé plus courageuse qu'égocentrique (même s'il faut l'avouer, et il s'en charge lui-même, Emmanuel Carrère se regarde pas mal le nombril), car il en faut du courage pour décortiquer les raisons de sa foi en Dieu, et partir sur les traces des apôtres Paul et Luc pour trouver ce qui l'a poussé à croire puis, trois ans plus tard, à redevenir agnostique. Ce roman ne m'a pas rendue moins agnostique, mais j'ai appris des tas de choses.



Puzzle de Franck Thilliez
Encore un thriller psychologique pur jus, absolument addictif et qui m'a complètement sonnée ! L'intrigue, complexe et terriblement bien ficelée, nous plonge au cœur de la folie et m'a même provoqué quelques frissons. C'est mon deuxième roman de Franck Thilliez et c'est désormais certain, 2015 sera mon année Thilliez !



Et vous, qu'avez-vous lu ce mois-ci ?



Oui, j'ai bien vu la date : je vous fais un bilan du mois d'octobre un 11 novembre. La faute à un emploi du temps surchargé qui ne laisse plus beaucoup de place à la lecture et au blog. Mais ne dit-on pas mieux vaut tard que jamais ? 

L'essentiel, ce sont les trois belles découvertes que j'ai faites :


Shining de Stephen King
Un livre à mi-chemin entre thriller psychologique et roman fantastique, que j'ai littéralement adoré. On y retrouve le talent de Stephen King pour créer des entités fantastiques terrifiantes (ici l'hôtel) et des personnages à la psychologie tourmentée.



Demain est un autre jour de Lori Nelson Spielman
Un superbe roman entre drame et chick-lit, pas du tout larmoyant, mais au contraire très drôle. Il y a un beau message derrière ce récit : vivez ce à quoi vous aspirez, et ne faites pas de votre vie ce que les autres veulent qu'elle soit.



Un thriller psychologique qui va vous faire douter de la distinction entre rêve et réalité. L'auteur distord le temps et l'espace pour plonger son personnage et son lecteur dans une atmosphère lourde et suffocante.

Et vous, qu'avez-vous lu ce mois-ci ?

L’une des principales raisons pour lesquelles j’aime les thrillers psychologiques est ce paradoxal mélange, chez un seul et même personnage, entre le raisonnable et l’irrationnel, entre l’évident et le refoulé qui composent chaque être que nous sommes. 
Je pourrais citer quelques exemples d’excellents thrillers psychologiques qui explorent avec cruauté et précision cette dualité, et j’ai d’ailleurs un titre à ajouter à cette liste : Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux. 

Cauchemar dans l’abîme de la mémoire 
Le point de départ du roman est simple : Jean Malenc, journaliste mondain en vue, découvre un beau jour que sa femme et sa fille l’ont quitté sans laisser d’adresse. Plutôt prévisible pour cet homme frustré qui a raté sa vocation, devenir journaliste d’investigation. Jusqu’au jour où il reçoit d’étrange emails sans objets, avec toujours la même pièce jointe : la photo d’une forêt sombre et touffue sur laquelle se distingue une silhouette floue. Pour lui, sa femme et sa fille ont été enlevées. Avec le sentiment désagréable d’être suivi, il se lance alors sur leur piste dans un long périple qui le mène tout droit dans cette forêt inquiétante, porte d’entrée vers les sables mouvants de sa mémoire défaillante. 

Psychiatre et psychanalyste de formation, Jean-Baptiste Dethieux sait de quoi il parle et fait errer son personnage dans une atmosphère lourde et humide qui met rapidement mal à l’aise. Comme dans un cauchemar éveillé, Jean Malenc voit s’effondrer un à un tous les piliers qui soutenaient son existence : son couple, sa mémoire et ses certitudes. En altérant les capacités de discernement de son personnage, l’auteur brouille les pistes et fait monter peu à peu l’angoisse. Car il s’agit bien là d’une question de perception de la réalité : Jean et sa famille sont-ils vraiment menacés ou est-il en train de devenir fou ? 

Pour rendre plus puissante l’errance physique et mentale de son personnage, Jean-Baptiste Dethieux s’amuse à distordre le temps et l’espace dans un récit à la première personne qui semble sans queue ni tête. En vivant les événements à travers la vision (peut-être ?) biaisée de Jean, on ne sait plus que croire, et le réel devient vite menaçant. L'usage des métaphores de la noyade ou du brouillard renforcent ce sentiment général de pertes de repères. 

Au fur et à mesure des kilomètres qu’il me restait à parcourir et des aléas du temps oscillant entre soleil et ombre, entre éclaircies et averses, je tempérais toute l’intensité de mes affects pour y lire une peine plus douce mais tout aussi immense. Je ne voyais plus d’horizon… Mes yeux embués ne voyaient plus rien… J’avais le sentiment de me perdre dans une nuit sans fond, l’une de ces nuits outrageant la lumière du jour et laissant les êtres vivants dans le désarroi.

Dérangeant et angoissant, Renaissance est un thriller psychologique réussi qui plaira aux lecteurs qui aiment explorer les paradoxes et les défaillances de l’âme humaine. 

Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux, éditions Taurnada, 2014, 186 pages 

Alors qu'Halloween approche à grands pas, j'avais envie d'exploiter la thématique de l'angoisse, et de vous parler de trois livres qui m'ont fait peur. Je ne suis pas du tout amatrice de films d'horreur, mais je dois avouer que j'aime me flanquer la frousse avec des romans.


J'ai choisi pour vous une petite sélection qui devrait vous faire froid dans le dos :


Il s'agit du premier tome du cycle mettant en scène les enquêteurs Alexandre Vauvert et Eva Svärta ensemble. C'est également par ce livre que j'ai découvert l'univers gothique de Sire Cédric. Attention, ce premier opus est un véritable roman d'horreur, très fantastique et très gore, à forte concentration en hémoglobine. Définitivement à éviter pour les plus sensibles.



Un thriller psychologique particulièrement terrifiant, qui vous fera certainement hâter le pas si vous marchez seul(e) dans une rue sombre. Karine Giebel a ce don de faire naître l'angoisse sans rien vous montrer, et elle prend un malin plaisir à jouer avec vos nerfs qui seront mis à rude épreuve avec ce roman.



C'est LE huis clos le plus effrayant que j'ai jamais lu. Il s'agit également de mon livre préféré de Stephen King pour le moment. Cet auteur a une imagination sans limites, qui n'a d'égale que la méchanceté de ses personnages. On espère qu'une chose : ne jamais se retrouver nez à nez avec eux.


Et pour poursuivre votre séjour au pays des horreurs, voici quelques titres qui devraient également susciter chez vous quelques sueurs froides :

Et vous, quels livres vous ont fait le plus peur ?

Il y a quelques mois, je découvrais, à travers son roman Les visages de Dieu, l'écrivain Mallock, ma révélation de l'année. Aujourd'hui, je n'ai rien perdu de mon enthousiasme à son égard, et sa seconde chronique barbare, Le massacre des innocents, ne fait que le confirmer.

Aux innocents la responsabilité du massacre
Dans cette seconde enquête d'Amédée Mallock, le commissaire doit faire face à un phénomène sans précédent : du jour au lendemain, des citoyens sans histoires se transforment en tueurs en série, massacrant les personnes qui les entoure. Loin d'être quelques cas isolés, les massacres se multiplient comme une épidémie. Pour le policier, l'enjeu est donc de taille : il doit découvrir l'origine de ces boucheries avant qu'elles ne déciment la population du pays.

Si j'avais trouvé l'intrigue des Visages de Dieu vicieuse, ici elle fait carrément froid dans le dos ! J'admire l'imagination débordante de Mallock, qui me laisse croire que s'il n'était pas un écrivain de talent, il pourrait parfaitement être un tueur en série très intelligent. J'ai été surprise du début à la fin, abasourdie par l'évolution complexe du récit et les péripéties qui s'enchaînent. Pour autant, Mallock parvient à construire une intrigue dont la crédibilité reste intacte tout au long du roman. On s'y croirait vraiment, et c'est certainement cela le pire !

Côté plume, on retrouve le style très réaliste, cru et pictural que j'avais tant aimé dans Les visages de Dieu. Les couleurs, et notamment le rouge, occupent une place très importante dans les descriptions, et pas seulement celles des massacres. J'aime particulièrement l'écriture très visuelle, esthétique et poétique de Mallock, à la manière d'un tableau de Goya ou de Bosch.

Enfin, on assiste dans ce tome à une belle évolution du personnage de Mallock, dont le passé se révèle par bribes : sa vie commune avec son épouse, mère du petit Thomas qu'il a perdu il y a des années, son amour pour Amélie, l'infirmière qu'il avait rencontré lors de sa dernière enquête, désormais entre la vie et la mort... Tous ces souvenirs contribuent à faire de Mallock un personnage complet et complexe :
Le vieil ours atrabilaire était tout aussi sentimental qu'impitoyable, violent et fragile, simple et compliqué, anxieux et optimiste, mi-cérébral, mi-gros-bras, mi-tendre et misanthrope... Un être paradoxal qui avait fini par s'accepter ainsi, tout fragmenté, morcelé, par amour de la sincérité. (p.42)

Vous l'avez compris, j'ai encore une fois été subjuguée par le talent de Mallock et je ne peux que vous encourager à le découvrir si cela n'est pas déjà fait.

Le massacre des innocents de Mallock, Pocket, 2014, 543 pages

Vous vous souvenez peut-être de mon enthousiasme suite à la lecture du nouveau phénomène de la bit-lit française : la trilogie Requiem pour Sascha d'Alice Scarling. Moi qui ne suis pourtant pas coutumière du genre, j'avais adoré ce roman vif, son héroïne piquante à l'humour bien présent et cette jeune auteur au talent indéniable. Un talent qui se confirme avec le tome 2.

La grande marmite de l'univers en ébullition
Après l'agréable surprise (et le cliffhanger de malade !) du tome 1, les choses sérieuses commencent. Sascha est désormais en enfer, qui devient le cadre principal de cet opus. Le mystérieux Raphaël qui lui a tant fait tourner la tête est mis sur la touche, remplacé par le ténébreux mais facétieux Zekiel, qui semble présenter certains points communs avec notre héros.

Côté intrigue, l'Apocalypse se prépare et Sascha y joue un rôle prédominant, même si elle ne le comprend pas : cela donne lui à un comique de situation qui permet à l'auteur de saupoudrer son humour tout au long du roman, dédramatisant ainsi la tension qui monte crescendo. Pour Sascha, les voiles d'ombre qui couvraient son passé se lèvent peu à peu, divulguant des informations précieuses sur son père, sa mère et son identité.

Mais plus que tout, Dies Irae est une plongée tête la première dans l'univers imaginaire d'Alice Scarling : un imaginaire complet, à mi-chemin entre la légende biblique et la littérature fantastique, agrémenté de références à Tolkien, au cinéma ou à la musique. On découvre là un univers très riche, parfaitement crédible, peuplé des créatures typiques de la bit-lit (vampires, loups garous, etc.) tout en étant d'une grande originalité. Ma plus grande surprise est cette réinterprétation très personnelle, mais intéressante et surtout très efficace de l'Apocalypse.

Si vous ne vous êtes toujours pas laissés tenter par les romans d'Alice Scarling, il est grand temps de vous y mettre !

Dies Irae (Requiem pour Sascha, tome 2) d'Alice Scarling, Milady, 2014, 406 pages


Pour tout savoir sur Alice Scarling et son oeuvre, regardez le Live Show spécial Lacrimosa organisé par Myriam du blog Un Jour Un Livre :