Bonjour à tous,
Comme sujet de mon premier article sur mon blog, j’ai choisi de vous parler d’une histoire à laquelle je me suis fortement intéressée il y a quelques semaines, parce que, belle coïncidence, cette histoire était le cœur de l’intrigue d’un livre et d’un jeu-vidéo que j’ai lu et auquel j’ai joué au même moment. Il s’agit d’une histoire vraie : je souligne le mot vrai, car cette histoire fait tellement froid dans le dos qu’on a peine à s’imaginer que des gens sont capables d’une telle cruauté dans la réalité. Les faits remontent à 1947, à Los Angeles. Vous avez peut-être déjà une idée de l’histoire dont je veux parler… Ce fait divers sans précédent a obnubilé plus d’un enquêteur, plus d’un journaliste, un écrivain, un cinéaste, et même… des concepteurs de jeux-vidéos. Bon, j’abrège, il s’agit de l’histoire du Dahlia noir.
Elizabeth Short, un jeune américaine de 22 ans, est retrouvée assassinée en janvier 1947 dans un terrain vague de L.A. Elle se faisait appeler le Dahlia noir parce qu'elle était toujours habillée en noir, les cheveux noir corbeau. Elle qui était venue à Los Angeles dans l'espoir de percer dans le cinéma, elle pensait que ce look la différencierait des autres... L’enquête sur ce meurtre va bientôt mobiliser la moitié des effectifs du commissariat central de la ville. Car il ne s’agit pas d’un simple meurtre : la pauvre jeune femme a été torturée puis mutilée avant d’être jetée dans le terrain vague où on l’a retrouvée. Par ailleurs, le meurtrier joue avec les nerfs des enquêteurs en envoyant des lettres anonymes mystérieuses aux journaux de la ville, qui s’empressent de médiatiser l’affaire. Ce fait divers a considérablement choqué les Etats-Unis. L’affaire n’a jamais été résolue, mais elle continue à susciter le questionnement de beaucoup de personnes, si bien qu’on en entend parler encore régulièrement. Plusieurs hypothèses ont été formulées, et j’aimerais vous parler de deux d’entre elles, développées dans un roman américain et dans un jeu-vidéo : Le Dahlia Noir de James Ellroy et L.A. Noire (Rockstar).
Le Dahlia Noir de James Ellroy
James Ellroy est un écrivain de polars américain. On le connaît essentiellement pour ses romans Le Dahlia Noir et L.A. Confidential. Le Dahlia Noir paraît en 1987 aux Etats-Unis. L’intrigue tourne autour du meurtre d’Elizabeth Short et la narration est assurée par l'un des enquêteurs qui se trouvaient en premier sur la scène du crime. Plus qu’un roman policier, où l’enquête est le centre de l’intrigue, je dirais que Le Dahlia Noir est un roman psychologique. En effet, le lecteur assiste, au fil des pages, à la descente aux enfers des deux enquêteurs, littéralement hantés par cette affaire, et est aux premières loges de leurs questionnements, de leur ressenti, de leurs réactions irrationnelles. Cette affaire les mènera d’ailleurs l’un comme l’autre à leur perte, même si de manière différente.
Car il faut préciser une chose : James Ellroy n’a pas écrit La Dahlia Noir pour le plaisir de traiter un sujet qui suscite les passions. C’est bien plus que cela. Le Dahlia Noir est un véritable roman-catharsis, un roman dont le but est de se délivrer d’un poids. L’histoire du Dahlia Noir est intimement liée à la vie personnelle de James Ellroy. En 1958, Geneva « Jean » Hilliker Ellroy, la mère de James Ellroy, est retrouvée morte dans un terrain vague. Elle a été violée puis assassinée. James Ellroy n’avait pas 10 ans. En 2006, dans sa postface au Dahlia Noir, James Ellroy écrit ceci : « Sa mort a corrompu mon imagination. Toutes mes lectures se sont recentrées sur des récits et des histoires criminels. Pour mon onzième anniversaire, mon père m’a offert le livre de Jack Webb, The Badge. S’y trouvait inclus un article sur le meurtre du Dahlia noir. Jean Hilliker et Betty Short – elles ont fusionné pour ne plus faire qu’une. Il m’était impossible de pleurer ouvertement la mort de Jean. Celle de Betty, je pouvais. »
James Ellroy invente un dénouement à l’affaire du Dahlia Noir : un dénouement sombre, teinté de jalousie et de corruption. Mais il me semble que l’aspect le plus important dans ce roman est la description psychologique des personnages, en particulier des deux enquêteurs : angoisse, crises d’hystéries, dépression et pétages de plombs.
Ce que j’ai aimé dans ce roman :
- La profondeur des personnages, leurs doutes et leurs questionnements. On est loin, je trouve, des enquêteurs de romans policiers « classiques » (Sherlock Holmes, Maigret, etc.), qui mènent leur enquête en restant sûrs d’eux. Ici, l’affaire sème littéralement le doute dans la tête des deux enquêteurs, qui perdent totalement pied et en deviennent presque fous.
- La bonne documentation de James Ellroy, qui a vraisemblablement consulté les archives du LAPD pour écrire ce roman.
Ce que j’ai moins aimé :
- Une atmosphère pesante (normal, c’est un polar !), des descriptions parfois très crues. Je ne suis pas une grande amatrice de polars en règle générale, donc ce qui me gêne en gênera moins d’autres, probablement.
- Un début un peu long : le premier chapitre n’est pas évident au premier abord. On ne comprend son utilité que plus tard dans le roman.
Je précise que j’ai lu la traduction de Freddy Michalski, dans l’édition Payot, collection Rivages / Noir.
Le Dahlia Noir de James Ellroy a donné lieu à une adaptation au cinéma en 2006, par le réalisateur Brian DePalma (Scarface). Le film est, semble-t-il, une très bonne adaptation, et figurait dans la sélection officielle du Festival de Cannes et du Festival du film américain de Deauville en 2006. Je ne l’ai pas vu (oui, honte sur moi), mais si c’est le cas de certains d’entre vous, j’aimerais bien savoir ce que vous en avez pensé.
Passons maintenant au jeu-vidéo.
L.A. Noire (Rockstar)
En règle générale, j’aime les jeux-vidéos, mais ça dépend lesquels. J’aime par-dessus tout les jeux d’enquête, policière ou non. J’ai adoré Runaway 1 et 2 et, surtout, Heavy Rain (que j’ai fini en un week-end, c’est dire). Quand j’ai entendu parler de L.A. Noire, j’ai donc tout de suite voulu tester.
Vous incarnez un flic de L.A., Cole Phelps, vétéran de la Seconde Guerre Mondiale sur le front japonais, dont il reste visiblement très marqué (si on en croit les flashbacks qui interviennent entre les différentes affaires à résoudre). Nous sommes à la fin des années 40. Cole débute comme simple agent, et ses premières enquêtes consistent à retrouver des flingues sur des toits et à courir après des méchants gangsters. Pas mirobolant. Jusqu’au jour où il doit résoudre une affaire qui rappelle pas mal celle du Dahlia noir : une femme mutilée retrouvée dans un terrain vague. Une fois l’affaire résolue, vous vous retrouvez avec une deuxième femme mutilée, puis une troisième, puis ça n’en finit plus. Les journaux envoient au commissariat central les lettres mystérieuses qui leurs sont envoyées par le tueur, et toutes les conversations que Cole a avec son coéquipier tournent autour de l’affaire du Dahlia noir : il y a beaucoup de références directes au meurtre d’Elizabeth Short, et des références plus subtiles au roman de James Ellroy (notamment le Feu et la Glace, dans le premier chapitre du livre). Dans le jeu, tous les meurtres de femmes mutilées sont liés : l’affaire du Dahlia noir n’est en fait que le premier meurtre d’une longue série, tous perpétrés par un seul et même homme, que vous finissez par coincer.
L.A. Noire ne consacre qu’une dizaine d’enquêtes à l’adaptation libre de l’affaire du Dahlia noir. Le jeu compte plus de cinquante enquêtes, vous en avez donc pour un bon moment. Les enquêtes sont assez différentes les unes des autres, mais l’univers du Los Angeles de l’après-guerre est très bien exploité : courses poursuites sur des plateaux de cinéma, criminels mafieux, musiciens de jazz, vedettes de music-hall… le décor est parfait. Dans ce jeu, il y en a aussi pour tous les goûts : de l’enquête, de l’interrogatoire, de la course poursuite à la GTA (Grand Theft Auto), des séquences en FPS (First Person Shooter), des séquences où il faut mettre K.O. les suspects en leur mettant des coups de poings. De quoi ravir le plus grand nombre. Et les graphismes sont pas mal, je trouve, le jeu a été réalisé avec de vrais acteurs (comme Heavy Rain d’ailleurs) grâce à la technologie Motion Scan, et le rendu est vraiment top. Les expressions du visage sont bluffantes. D’ailleurs, cette qualité graphique est mise à profit dans l’intrigue, puisque vous devez, au cours des interrogatoires, décider, sur la base des expressions sur le visage des suspects, s’ils vous disent la vérité ou non, et affiner vos questions en fonction.
Ce que j’ai aimé dans ce jeu :
- Le petit signal sonore qui nous indique qu’on est sur une preuve et que l’on a trouvé toutes les preuves, que l’on peut désactiver dans les options si on veut jouer au détective vrai de vrai.
- L’option qui nous permet de passer les scènes de shoot, de bagarre et de course poursuite au bout de trois échecs, pour ceux qui, comme moi, ne sont pas fans de GTA. On leur pardonne, Rockstar est l’éditeur de GTA, et j’avoue que ça ajoute du piquant au jeu de devoir courser les suspects, voire les buter de temps en temps. Mais c’est cool d’avoir pensé aux gens qui s’énervent au bout de la deuxième tentative avortée...
- Comme c’est l’objet de cet article, j’ai particulièrement aimé les références à l’affaire du Dahlia noir et au roman de James Ellroy, qui sont particulièrement appréciables quand vous lisez Le Dahlia Noir en même temps.
Ce que j’ai moins aimé :
- Les séquences dans le noir, par exemple dans les catacombes d’une église, à courser un suspect qui vous tire dessus en même temps. J’avoue, ça rajoute du piquant là encore, mais pour une froussarde comme moi, c’est pas cool et ça donne lieu à des cris plutôt perçants…
Voilà, je n’ai plus qu’à vous souhaiter bonne lecture et bon jeu, et n’hésitez pas à me donner votre avis sur le livre / jeu / film dans les commentaires.
A bientôt,
Aniouchka