L’une des principales raisons pour lesquelles j’aime les thrillers psychologiques est ce paradoxal mélange, chez un seul et même personnage, entre le raisonnable et l’irrationnel, entre l’évident et le refoulé qui composent chaque être que nous sommes. 
Je pourrais citer quelques exemples d’excellents thrillers psychologiques qui explorent avec cruauté et précision cette dualité, et j’ai d’ailleurs un titre à ajouter à cette liste : Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux. 

Cauchemar dans l’abîme de la mémoire 
Le point de départ du roman est simple : Jean Malenc, journaliste mondain en vue, découvre un beau jour que sa femme et sa fille l’ont quitté sans laisser d’adresse. Plutôt prévisible pour cet homme frustré qui a raté sa vocation, devenir journaliste d’investigation. Jusqu’au jour où il reçoit d’étrange emails sans objets, avec toujours la même pièce jointe : la photo d’une forêt sombre et touffue sur laquelle se distingue une silhouette floue. Pour lui, sa femme et sa fille ont été enlevées. Avec le sentiment désagréable d’être suivi, il se lance alors sur leur piste dans un long périple qui le mène tout droit dans cette forêt inquiétante, porte d’entrée vers les sables mouvants de sa mémoire défaillante. 

Psychiatre et psychanalyste de formation, Jean-Baptiste Dethieux sait de quoi il parle et fait errer son personnage dans une atmosphère lourde et humide qui met rapidement mal à l’aise. Comme dans un cauchemar éveillé, Jean Malenc voit s’effondrer un à un tous les piliers qui soutenaient son existence : son couple, sa mémoire et ses certitudes. En altérant les capacités de discernement de son personnage, l’auteur brouille les pistes et fait monter peu à peu l’angoisse. Car il s’agit bien là d’une question de perception de la réalité : Jean et sa famille sont-ils vraiment menacés ou est-il en train de devenir fou ? 

Pour rendre plus puissante l’errance physique et mentale de son personnage, Jean-Baptiste Dethieux s’amuse à distordre le temps et l’espace dans un récit à la première personne qui semble sans queue ni tête. En vivant les événements à travers la vision (peut-être ?) biaisée de Jean, on ne sait plus que croire, et le réel devient vite menaçant. L'usage des métaphores de la noyade ou du brouillard renforcent ce sentiment général de pertes de repères. 

Au fur et à mesure des kilomètres qu’il me restait à parcourir et des aléas du temps oscillant entre soleil et ombre, entre éclaircies et averses, je tempérais toute l’intensité de mes affects pour y lire une peine plus douce mais tout aussi immense. Je ne voyais plus d’horizon… Mes yeux embués ne voyaient plus rien… J’avais le sentiment de me perdre dans une nuit sans fond, l’une de ces nuits outrageant la lumière du jour et laissant les êtres vivants dans le désarroi.

Dérangeant et angoissant, Renaissance est un thriller psychologique réussi qui plaira aux lecteurs qui aiment explorer les paradoxes et les défaillances de l’âme humaine. 

Renaissance de Jean-Baptiste Dethieux, éditions Taurnada, 2014, 186 pages 

Alors qu'Halloween approche à grands pas, j'avais envie d'exploiter la thématique de l'angoisse, et de vous parler de trois livres qui m'ont fait peur. Je ne suis pas du tout amatrice de films d'horreur, mais je dois avouer que j'aime me flanquer la frousse avec des romans.


J'ai choisi pour vous une petite sélection qui devrait vous faire froid dans le dos :


Il s'agit du premier tome du cycle mettant en scène les enquêteurs Alexandre Vauvert et Eva Svärta ensemble. C'est également par ce livre que j'ai découvert l'univers gothique de Sire Cédric. Attention, ce premier opus est un véritable roman d'horreur, très fantastique et très gore, à forte concentration en hémoglobine. Définitivement à éviter pour les plus sensibles.



Un thriller psychologique particulièrement terrifiant, qui vous fera certainement hâter le pas si vous marchez seul(e) dans une rue sombre. Karine Giebel a ce don de faire naître l'angoisse sans rien vous montrer, et elle prend un malin plaisir à jouer avec vos nerfs qui seront mis à rude épreuve avec ce roman.



C'est LE huis clos le plus effrayant que j'ai jamais lu. Il s'agit également de mon livre préféré de Stephen King pour le moment. Cet auteur a une imagination sans limites, qui n'a d'égale que la méchanceté de ses personnages. On espère qu'une chose : ne jamais se retrouver nez à nez avec eux.


Et pour poursuivre votre séjour au pays des horreurs, voici quelques titres qui devraient également susciter chez vous quelques sueurs froides :

Et vous, quels livres vous ont fait le plus peur ?

Il y a quelques mois, je découvrais, à travers son roman Les visages de Dieu, l'écrivain Mallock, ma révélation de l'année. Aujourd'hui, je n'ai rien perdu de mon enthousiasme à son égard, et sa seconde chronique barbare, Le massacre des innocents, ne fait que le confirmer.

Aux innocents la responsabilité du massacre
Dans cette seconde enquête d'Amédée Mallock, le commissaire doit faire face à un phénomène sans précédent : du jour au lendemain, des citoyens sans histoires se transforment en tueurs en série, massacrant les personnes qui les entoure. Loin d'être quelques cas isolés, les massacres se multiplient comme une épidémie. Pour le policier, l'enjeu est donc de taille : il doit découvrir l'origine de ces boucheries avant qu'elles ne déciment la population du pays.

Si j'avais trouvé l'intrigue des Visages de Dieu vicieuse, ici elle fait carrément froid dans le dos ! J'admire l'imagination débordante de Mallock, qui me laisse croire que s'il n'était pas un écrivain de talent, il pourrait parfaitement être un tueur en série très intelligent. J'ai été surprise du début à la fin, abasourdie par l'évolution complexe du récit et les péripéties qui s'enchaînent. Pour autant, Mallock parvient à construire une intrigue dont la crédibilité reste intacte tout au long du roman. On s'y croirait vraiment, et c'est certainement cela le pire !

Côté plume, on retrouve le style très réaliste, cru et pictural que j'avais tant aimé dans Les visages de Dieu. Les couleurs, et notamment le rouge, occupent une place très importante dans les descriptions, et pas seulement celles des massacres. J'aime particulièrement l'écriture très visuelle, esthétique et poétique de Mallock, à la manière d'un tableau de Goya ou de Bosch.

Enfin, on assiste dans ce tome à une belle évolution du personnage de Mallock, dont le passé se révèle par bribes : sa vie commune avec son épouse, mère du petit Thomas qu'il a perdu il y a des années, son amour pour Amélie, l'infirmière qu'il avait rencontré lors de sa dernière enquête, désormais entre la vie et la mort... Tous ces souvenirs contribuent à faire de Mallock un personnage complet et complexe :
Le vieil ours atrabilaire était tout aussi sentimental qu'impitoyable, violent et fragile, simple et compliqué, anxieux et optimiste, mi-cérébral, mi-gros-bras, mi-tendre et misanthrope... Un être paradoxal qui avait fini par s'accepter ainsi, tout fragmenté, morcelé, par amour de la sincérité. (p.42)

Vous l'avez compris, j'ai encore une fois été subjuguée par le talent de Mallock et je ne peux que vous encourager à le découvrir si cela n'est pas déjà fait.

Le massacre des innocents de Mallock, Pocket, 2014, 543 pages

Vous vous souvenez peut-être de mon enthousiasme suite à la lecture du nouveau phénomène de la bit-lit française : la trilogie Requiem pour Sascha d'Alice Scarling. Moi qui ne suis pourtant pas coutumière du genre, j'avais adoré ce roman vif, son héroïne piquante à l'humour bien présent et cette jeune auteur au talent indéniable. Un talent qui se confirme avec le tome 2.

La grande marmite de l'univers en ébullition
Après l'agréable surprise (et le cliffhanger de malade !) du tome 1, les choses sérieuses commencent. Sascha est désormais en enfer, qui devient le cadre principal de cet opus. Le mystérieux Raphaël qui lui a tant fait tourner la tête est mis sur la touche, remplacé par le ténébreux mais facétieux Zekiel, qui semble présenter certains points communs avec notre héros.

Côté intrigue, l'Apocalypse se prépare et Sascha y joue un rôle prédominant, même si elle ne le comprend pas : cela donne lui à un comique de situation qui permet à l'auteur de saupoudrer son humour tout au long du roman, dédramatisant ainsi la tension qui monte crescendo. Pour Sascha, les voiles d'ombre qui couvraient son passé se lèvent peu à peu, divulguant des informations précieuses sur son père, sa mère et son identité.

Mais plus que tout, Dies Irae est une plongée tête la première dans l'univers imaginaire d'Alice Scarling : un imaginaire complet, à mi-chemin entre la légende biblique et la littérature fantastique, agrémenté de références à Tolkien, au cinéma ou à la musique. On découvre là un univers très riche, parfaitement crédible, peuplé des créatures typiques de la bit-lit (vampires, loups garous, etc.) tout en étant d'une grande originalité. Ma plus grande surprise est cette réinterprétation très personnelle, mais intéressante et surtout très efficace de l'Apocalypse.

Si vous ne vous êtes toujours pas laissés tenter par les romans d'Alice Scarling, il est grand temps de vous y mettre !

Dies Irae (Requiem pour Sascha, tome 2) d'Alice Scarling, Milady, 2014, 406 pages


Pour tout savoir sur Alice Scarling et son oeuvre, regardez le Live Show spécial Lacrimosa organisé par Myriam du blog Un Jour Un Livre :