Ce classique américain à la charge émotionnelle intense m'a non seulement prise aux tripes mais aussi frappée par le thème difficile de l'exode, qui fait écho au drame actuel des migrants.
Quatrième de couverture
"Le soleil se leva derrière eux, et alors... brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l'immense vallée. Al freina violemment et s'arrêta en plein milieu de la route.
- Nom de Dieu ! Regardez ! s'écria-t-il. Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d'arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit :
- Dieu tout-puissant !... J'aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau."
- Nom de Dieu ! Regardez ! s'écria-t-il. Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d'arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit :
- Dieu tout-puissant !... J'aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau."
Mon avis
Pour écrire ce roman, John Steinbeck a pris pour point de départ un des plus tristes événements de l'histoire américaine : l'exode vers l'Ouest des Okies, ces fermiers pauvres originaires de l'Oklahoma, contraints d'abandonner leur ferme dans les années 30. Chassés par les tempêtes de poussières, mais surtout par les banques qui ont saisi leurs terres, ces propriétaires terriens n'ont d'autre choix que de migrer vers la Californie en quête de travail pour nourrir leur famille.
Les raisins de la colère raconte l'histoire d'une famille, les Joad, expropriés de leur ferme à coup de tracteur. Pendant plus de 600 pages, l'auteur décrit leur périple à travers le pays, motivé d'abord par l'espoir d'une vie nouvelle dans un pays de Cocagne, puis, rapidement, par la nécessité de survivre, jour après jour.
Car en fait de terre promise, la Californie se révèle être un pays hostile, où la population agressive se méfie de ces nouveaux arrivants venus, croient-ils, pour leur prendre leur travail. En plus de la misère, les "Okies", comme on les appelle de façon péjorative, se heurtent à la violence des habitants et de la police, qui n'hésitent pas à les laisser mourir de faim et à brûler leurs camps de fortune en pleine nuit. Comment ne pas penser alors au drame qui se joue sous nos yeux à l'heure actuelle : celui des migrants venus d'Afrique et du Moyen-Orient, que nos sociétés occidentales rejettent de peur d'être envahis ? A la lumière de ces faits, Les raisins de la colère n'ont pas perdu de leur actualité.
Mais par le biais de cette histoire, c'est surtout le capitalisme et son culte du profit que vise Steinbeck. Cette manière cynique et malhonnête de mettre la main sur les biens des petits et de baisser les prix de la main d'oeuvre pour augmenter les bénéfices, quitte à ce que les gens s'entretuent pour survivre. Qu'importe que des enfants meurent sur les routes, l'essentiel est la marge. Et que ceux qui s'y opposent soient mis hors d'état de nuire.
Il y a là un crime si monstrueux qu'il dépasse l'entendement. [...] Un sol fertile, des files interminables d'arbres aux troncs robustes, et des fruits mûrs. Et les enfants atteints de pellagre doivent mourir parce que chaque orange doit rapporter un bénéfice.
La lecture de ce roman m'a fait l'effet d'un coup de poing en plein ventre. J'ai eu le souffle coupé par autant d'injustice et de souffrance. Certaines scènes sont à la limite du supportable, et elles sont d'autant plus difficile qu'il en ressort une vérité froide et brutale. Le style oral du récit rend les personnages proches, comme si le lecteur était avec eux, dans le camion qui les embarque à l'Ouest. Si proches d'ailleurs, que les voir souffrir donne à réfléchir tout en étant aussi douloureux que si vous souffriez vous-mêmes.
En bref
Un magnifique roman, très dur, qui s'inspire d'une période sombre de l'histoire des Etats-Unis pour s'élever contre les injustices et la violence créées par le capitalisme.
Le livre
Les raisins de la colère de John Steinbeck
Editions Folio (2016), 639 pages
Publié initialement aux éditions Gallimard en 1947 (1939 pour l'édition originale)
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