Avec Entre deux mondes, Olivier Norek signe un roman coup de poing, douloureux mais nécessaire, qui ouvre les yeux sur une réalité que personne ne veut voir : la crise migratoire et l'un de ses symboles les plus visibles, la Jungle de Calais.
Quatrième de couverture
Adam a découvert en France un endroit où l'on peut tuer sans conséquences.
Mon avis
Il faut le voir ou, à défaut, le lire pour le croire. Croire que cette ignominie existe, dans notre pays. Entre deux mondes, entre « l’enfer syrien » et le « paradis britannique », il y a la Jungle de Calais, ce purgatoire où attendent plus de dix mille migrants mis au ban de la société parce qu’ils sont indésirables en France comme en Angleterre.
C'est cette réalité que décrit Olivier Norek dans Entre deux mondes. Celle de millions de personnes fuyant les pays les plus dangereux de la planète, traversant la Méditerranée au péril de leur vie et finissant leur voyage dans les bidonvilles de la Jungle de Calais, bien loin du « paradis » qu'ils visaient, l'Angleterre. A travers l'histoire d'Adam et Bastien, l'un migrant syrien, l'autre flic à Calais, Olivier Norek force son lecteur à ouvrir les yeux sur la violence de la crise migratoire, l'horreur de la Jungle, où l'on peut brutaliser, violer, tuer sans conséquences. Où la police n'a pas le droit d'intervenir auprès de ces "réfugiés potentiels" qu'aucun politique ne veut faire entrer dans les statistiques.
Ce qui fait la force et la pertinence de ce roman, c'est qu'il ne milite ni pour la cause des migrants, ni pour la cause des policiers. Il met au jour une réalité brutale et complexe, impossible à comprendre de façon monochrome. Il montre aussi que, des deux côtés, il y a des héros et des salauds, de la sauvagerie et de l'humanité.
Pour bien comprendre le problème avant d'écrire son roman, Olivier Norek a passé trois semaines dans la Jungle de Calais. Il s'est entretenu avec des migrants, des policiers, mais aussi avec les habitants de Calais, les politiques locaux et des spécialistes du mouvement migratoire. De ces entretiens, il a recueilli des histoires fortes et authentiques, qu'il a ensuite distillées dans son roman.
Au cours de l'écriture, Olivier Norek s'est lancé un défi : construire des « véhicules empathiques », c'est-à-dire présenter les migrants non pas comme des êtres désincarnés, mais comme des hommes qui existent vraiment, avec des familles, un métier, un passé, des projets. « De cette manière, les migrants deviennent des gens qui nous ressemblent. Tous les personnages, migrants ou flics, ont la même couleur. Ils sont ce qu'ils sont, héros ou salauds, pour ce qu'ils sont à l'intérieur, et pas seulement pour ce qu'ils sont en surface », expliquait l'auteur à l'occasion d'une rencontre la semaine dernière.
Olivier Norek a gagné son pari : Entre deux mondes est un roman bouleversant, que j'ai lu avec un sentiment d'urgence. Il sera adapté au cinéma fin 2019 : j'ai hâte !
En bref
Voilà enfin un livre qui, derrière une fiction addictive, offre une vision nuancée et honnête de la crise migratoire, sans parti pris. Un roman dur, brutal et complexe, mais aussi humain, qui rejette tout extrémisme. A mettre entre toutes les mains.
Le livre
Entre deux mondes d'Olivier Norek
Editions Pocket (2018), 384 pages
Publié initialement aux éditions Michel Lafon
Un grand merci aux éditions Pocket pour cette lecture et la rencontre avec Olivier Norek !
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