Le destin de cinq jeunes femmes travaillant comme secrétaires en attendant leur mariage. Douce chronique du quotidien de femmes ordinaires dans le New York des années 50, Rien n'est trop beau est un roman au charme désuet, à lire comme un documentaire.

Sois belle et marie-toi
Caroline, April, Barbara, Gregg et Mary Agnes, toutes ont un point commun : elles attendent patiemment le jour de leur mariage pour qu'enfin leur (vraie) vie commence. En attendant leur heure, elles travaillent au pool des dactylo d'une grande maison d'édition. Pour certaines comme Mary Agnes, ce boulot n'est qu'une obligation sociale, histoire d'occuper leur temps utilement avant de trouver un homme à épouser. Pour d'autres comme Caroline, ce passe-temps se transforme en véritable sacerdoce, donnant un sens à leur vie. 

Prises en tenaille entre le boom libertaire de l'époque et le poids des conventions toujours présentes, les cinq jeunes femmes sont à la fois témoins et actrices de l'évolution en profondeur de toute la société américaine. Si elles ont désormais accès à des postes clés, il semble naturel qu'une femme démissionne lorsqu'elle se marie pour vivre au crochet de son époux. Alors que les jeunes hommes réclament à corps et à cri des relations sexuelles hors mariage, une femme qui n'est pas vierge avant de s'être mariée est encore considérée comme une traînée. 

Enorme succès de librairie à sa parution en 1958, Rien n'est trop beau décrit l'évolution de la femme dans une société encore largement dirigée par les hommes. Pour l'écrire, Rona Jaffe s'est inspirée des quatre années qu'elle a passées comme secrétaire dans une maison d'édition, et s'inspire donc de sa propre expérience pour décrire le quotidien de ses personnages. Résultat, le récit est authentique, vivant et a la portée d'un documentaire. C'est la charmante chronique d'une époque qui n'est finalement pas si lointaine de la nôtre...

Rien n'est trop beau de Rona Jaffe, le Livre de Poche, réédité en 2012, 669 pages


C’est après en avoir vu de nombreuses éloges sur la blogosphère que j’ai entamé la lecture, cet été, du Voisin de Tatiana de Rosnay. Moi qui n’avais encore rien lu de cet auteur, j’ai plutôt apprécié ce thriller psychologique qui manque néanmoins de piquant. 

L’enfer, c’est le voisin du dessus 
Colombe Barou est une femme ordinaire, sans histoire. Epouse et mère, elle ne fait d’ombre à personne et mène une vie plate et sans relief. Lorsqu’elle emménage dans son nouvel appartement, sa vie bascule. La raison de cette descente aux enfers ? Un voisin du dessus tyrannique et machiavélique qui s’évertue méthodiquement à lui gâcher l’existence… 

Mon avis sur ce roman est assez paradoxal : j’ai réellement apprécié sa lecture (bien que je n’ai pas été littéralement « plongée » dedans), mais les remarques qui me viennent à l’esprit à l’heure d’écrire cette chronique sont plutôt en demi-teinte. Pour moi, ce roman, alors qu’il s’ouvre sur une intrigue au potentiel fort, manque de piquant à cause d’une unique chose : le personnage de Colombe. En effet, l’héroïne, omniprésente et unique point de focalisation du récit, est gauche, mollassonne, cul-cul. Bref, elle manque cruellement de caractère et son manque de personnalité affecte directement le rythme du roman, sans qu’aucun personnage plus « punchy » (à part peut-être sa sœur, mais elle n’apparaît pas si souvent) ne vienne contrebalancer et cadencer l’ensemble. 

Au niveau de l’intrigue, j’ai été réellement surprise par le caractère machiavélique, voire désaxé du voisin de Colombe. Je ne m’attendais pas vraiment à un tel comportement et j’espère ne jamais croiser une personne de ce genre dans ma vie. 

Côté style, j’ai trouvé l’écriture de Tatiana de Rosnay sobre, très axée sur la psychologie des personnages. On est là en plein centre des émotions de Colombe, et l’effet obtenu est plutôt réussi. 

Ainsi, malgré un personnage principal que j’aurais aimé secouer par moments, j’ai plutôt passé un bon moment avec Le Voisin, sans toutefois pouvoir qualifier ce roman d’inoubliable. 

Le Voisin de Tatiana de Rosnay, France Loisirs, rééd. 2012, 248 pages


Quel plaisir de retrouver les personnages si attachants de la trilogie de Katherine Pancol. Ce roman frais, touchant et optimiste a embelli mon été et c'est avec un pincement au cœur que j'ai achevé cette trilogie.

Les amoureux sont tristes quand ils sont seuls
Après la tragédie à laquelle elle a dû faire face (dans La valse lente des tortues), Joséphine est rongée par le doute et la culpabilité. Celle qui a accompli tant de choses se rabaisse à nouveau. Encouragée par son éditeur, ses filles et son amie Shirley, elle relève enfin la tête et s'atèle à l'écriture d'un nouveau roman. 

Dans ce troisième tome, les personnages continuent leur évolution : Hortense poursuit sa quête de célébrité dans le monde de la mode, Zoé entre dans l'adolescence, Alexandre apprend à vivre sans sa mère, Henriette prépare sa vengeance, et j'en passe et des meilleures. C'est un réel plaisir de tous les retrouver, de partager les petits et grands moments de leur vie. Une fois encore, Katherine Pancol prouve que ses personnages ne sont pas seulement des êtres de papier, mais de véritables êtres auxquels le lecteur s'attache comme à de vraies personnes.

Ici, plus que dans les deux tomes précédents, l'amour occupe une place centrale. Joséphine et Philippe, Hortense et Gary, Zoé et Gaétan, Shirley et son mystérieux inconnu... que l'on ait 15, 20 ou 40 ans, être amoureux rend toujours tout chose et donne des papillons dans le ventre. On se tourne autour, on s'aime, on se hait, on se repousse, avant d'enfin tomber dans les bras l'un de l'autre. Avec beaucoup de simplicité, Katherine Pancol décrit parfaitement les comportements que l'amour peut engendrer.

A la fois extraordinaires et pleines de simplicité, les aventures que vivent les personnages du roman sont une belle tranche de vie dans laquelle chacun pourra se reconnaître. En créant des personnages auxquels chaque lecteur peut s'identifier, Katherine Pancol a fait la force de sa trilogie, qu'il est décidément bien difficile de refermer.

Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi de Katherine Pancol, Le Livre de Poche, 2011, 939 pages

Lisez mon avis sur :


Devant le matraquage médiatique dont il a fait l'objet, c'est par curiosité que je me suis décidée, après plusieurs mois d'hésitation, à me lancer dans la lecture de Cinquante nuances de Grey. Hésitation qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille : rarement une lecture aura été pour moi aussi pénible et dénuée d'intérêt.

Le grand amour commence par SM...
Quiconque a un tant soit peu écouté le bruit qui a accompagné la sortie du livre en connaît l'histoire : Anastasia Steele, naïve étudiante en littérature, fait la rencontre de Christian Grey, homme d'affaires richissime à l'ego surdimensionné. Ayant mis le grappin sur la jeune donzelle, Grey la harcèle jusqu'à ce que celle-ci accepte de partager avec lui ses fantasmes sado-masochistes...

J'ai certes un peu forcé le trait dans mon résumé de l'intrigue, mais pas tant que ça finalement. Parce que la première chose que je dois vous signaler, c'est que ce roman est dépourvu d'intrigue : les choses sont posées pratiquement dès le départ, et les 500 pages du bouquin consistent à enchaîner les scènes érotiques dans des lieux différents. Ah si, entre deux ébats, vous avez également droit aux épanchements coupables de la pauvre Ana, qui comprend qu'elle se fait rouler dans la farine par un pervers, ce qui ne l'empêche pourtant pas de se jeter à nouveau dans ses bras à la prochaine rencontre. 

Comprenez-moi bien : le sujet sado-masochiste en soi ne me dérange pas, mais encore faut-il que l'intrigue soit intéressante. D'ailleurs, les scènes érotiques qui pullulent dans ce livre ne sont pas si choquantes que l'on veut bien nous le faire croire : ouvrez n'importe quel roman contemporain (Blue Jay Way de Fabrice Colin, par exemple), et vous y trouverez des scènes plus réalistes et parfois plus dérangeantes. Ici, les scènes sont, à quelques détails près, toutes les mêmes, et l'on finit par vite s'ennuyer. Les personnages, creux, agaçants au possible et pas attachants pour deux sous, ne rattrapent malheureusement pas l'ensemble.

Enfin, la dernière chose que je déplore dans ce livre est le style : pauvre, redondant et vulgaire. Les répétitions y sont tellement nombreuses que vous pouvez prédire à l'avance quels mots seront utilisés pour décrire les (mêmes) situations : "Je me mordille la lèvre intérieure", "Oh mon dieu !", "Et maintenant, je vais vous baiser, Ana Steele". Et là, nous en venons au fait : est-il indispensable, dans un roman érotique, d'user d'un langage vulgaire pour éveiller le désir du lecteur ? Pire, quel est l'intérêt de placer, dans la bouche d'une jeune fille, qui plus est étudiante en littérature, des mots comme "merde" et "oh putain" à chaque page ? Je ne suis pas une adepte du langage châtié, ne vous méprenez pas, mais je me demande simplement ce que ces jurons apportent au récit !

Bref, vous l'aurez compris, cette lecture a été très pénible et n'a éveillé aucun fantasme chez moi. J'ai été atterrée par la stupidité de l'héroïne, l'antipathie dégagée par Grey et la pauvreté de l'écriture. Il semblerait que, sur les trois tomes de la trilogie, ce premier opus soit le moins bon : je n'exclus donc pas la possibilité de lire la suite un jour. Mais ce ne sera décidément pas pour maintenant, laissez-moi me remettre de cette mauvaise expérience d'abord.

Cinquante nuances de Grey, tome 1 de E.L. James, JC Lattès, 2012, 551 pages


Une enquête rondement menée, une intrigue surprenante, un Harry Bosch toujours aussi attachant… avec Volte-face, Michael Connelly est au sommet de son art, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Du côté de l’accusation 
Vingt-quatre ans après sa condamnation pour le meurtre d’une fillette de douze ans, Jason Jessup est relâché après qu’une analyse ADN semble le disculper. Mais le bureau du procureur de Los Angeles ne l’entend pas de cette oreille, et confie le dossier à Mickey Haller, habituellement avocat à la défense, dans le but de renvoyer Jessup en prison. Pour mener à bien cette affaire qui semble perdue d’avance, Haller impose son demi-frère, Harry Bosch, comme enquêteur et reprend le dossier depuis le début. 

Cette fois-ci, Harry Bosch partage la vedette avec son demi-frère, Mickey Haller, qui se retrouve narrateur. L’originalité de ce récit est qu’il comporte deux "pôles" : le procès, de la préparation au verdict d’une part, et l’enquête d’Harry Bosch qui lui est liée, d’autre part. Malgré quelques sous-entendus que l’on comprendra certainement mieux si l’on a lu les romans précédents de Connelly, les deux frères travaillent main dans la main pour gagner leur procès.

A mis chemin entre le polar et le thriller juridique, Volte-face est un roman diablement efficace, au suspense entier. Une fois l’intrigue mise en place, le récit se déroule de lui-même et vous assistez, comme si vous y étiez, au procès qui s’écrit sur les pages. Comme dans une bonne série judiciaire, vous êtes happé par l’intrigue et vous prenez le final en pleine face. Car Connelly, même après une vingtaine de romans mettant en scène Harry Bosch, parvient encore une fois à surprendre son lecteur, et c’est ce qui fait le succès de ses livres. 

Volte-face de Michael Connelly, Le Livre de Poche, 2013, 528 pages


Un univers tordu, une atmosphère pesante, des personnages errants dans une vie qui ne semble pas la leur... Blue Jay Way est un ovni littéraire à mi-chemin entre le thriller et le roman contemporain, où le style et le suspense règnent en maîtres. Un livre déroutant et surprenant.

L.A., antichambre de l'enfer
Jeune franco-américain en recherche d'identité, Julien devient le précepteur de Ryan, fils à la dérive d'une romancière à succès et de son ex-mari producteur à Hollywood. Il s'installe à Blue Jay Way, la somptueuse villa dans laquelle Ryan et ses amis mènent une existence dépravée et désœuvrée. Séduit par cette vie douceâtre et sans conséquences, Julien engage une relation avec Ashley, la nouvelle épouse du père de Ryan. Jusqu'à ce que sa disparition précipite le jeune homme dans un enfer brûlant où la réalité se mêle à la fiction.

Attendez-vous à être dérouté par ce roman qui mélange avec brio thriller, policier et réflexions philosophiques sur un monde moderne dans lequel il est de plus en plus dur de trouver sa place. Avec un suspense insoutenable, Fabrice Colin déploie une triple intrigue (l'histoire de Julien et deux intrigues secondaires qui n'ont, à première vue, rien en commun) de laquelle il est impossible de se détacher. Les personnages sont profonds, travaillés, et suscitent sympathie ou dégoût, mais ne laissent pas indifférent.

Ecrit dans un style pur et réaliste, parfois trash, Blue Jay Way met en scène une Los Angeles maléfique, à l'atmosphère lourde, une ville diabolique qui semble irréductiblement attirer ses habitants vers le vice. Les scènes de sexe violent, de soirées dissolues et l'oisiveté de la jeunesse dorée d'Hollywood constituent un clin d’œil insistant à l'œuvre de Bret Easton Ellis, la provocation en moins. 

S'il ne plaira certainement pas à tout le monde, Blue Jay Way est un excellent roman ultra contemporain dont le final vous mettra une claque en pleine figure.

Blue Jay Way de Fabrice Colin, Le Livre de Poche, 2013, 552 pages