La cuisinière de Mary Beth Keane : l'histoire vraie de "la femme la plus dangereuse d'Amérique"

Dans ce roman à la fois réaliste et très touchant, Mary Beth Keane retrace le destin hors du commun de celle qui fut surnommée en son temps "Mary Typhoïde" ou "la femme la plus dangereuse d'Amérique".


La cuisinière de Mary Beth Keane : l'histoire vraie de "la femme la plus dangereuse d'Amérique"

Principe de précaution
Immigrée irlandaise venue tenter sa chance à New York à la fin du 19ème siècle, Mary Mallon se découvre rapidement un talent exceptionnel pour la cuisine. Elle commence alors à travailler pour de grandes familles bourgeoises. Malheureusement, dans toutes les maisons où elle passe, les gens contractent la fièvre typhoïde et certains en meurent. Mary, elle, affiche une santé de fer et ne présente pas le moindre symptôme. Il n'en faut pas plus pour qu'un médecin zélé l'accuse d'être porteur sain et de propager la maladie. Par précaution, les autorités sanitaires, qui la considèrent comme dangereuse, l'envoient en quarantaine sur l'île de North Brother Island, sur laquelle elle se retrouve prisonnière. Indépendante et insoumise, Mary ne va cesser de se battre pour faire valoir ses droits et retrouver sa liberté.

Difficile d'imaginer que cette histoire rocambolesque est inspirée de faits réels. Et pourtant, tout est vrai ! Dès les premières pages, j'ai été littéralement happée par le destin bouleversant de cette femme à forte tête dont la vie est brisée par des événements qui la dépassent totalement. J'ai rapidement éprouvé de la compassion pour Mary, pourtant rebelle, revêche et parfois même limite antipathique. En donnant de l'importance à l'aspect psychologique de son personnage (ses doutes, sa solitude, son histoire d'amour avec Alfred...), Mary Beth Keane a créé une femme à fort caractère, qui reste debout malgré les nombreuses épreuves qu'elle doit traverser, et cela force le respect.

Ce qui m'a également frappée dans ce roman, c'est la violence du New York du début du 20ème siècle, décrite de manière très réaliste par l'auteur. Une violence sociale, subie par des ouvriers extrêmement pauvres qui vivent et travaillent dans des conditions désastreuses pouvant leur coûter la vie. Une violence judiciaire, qui nie à Mary ses libertés les plus fondamentales et légitime les calomnies les plus injurieuses sous prétexte qu'elle représente un danger potentiel que l'on ne peut pourtant pas prouver. Une violence sentimentale, enfin, marquée par sa relation houleuse avec Alfred, qu'elle ne peut pas se résoudre à quitter.

Aussi haletant qu'un thriller, La cuisinière est un roman magnifique que je n'ai pas pu quitter pendant trois jours tellement il m'a bouleversée. Il ne s'agit que du deuxième roman de Mary Beth Keane, et il témoigne pourtant déjà d'une formidable maîtrise littéraire qui fait de cet écrivain un auteur à suivre.

La cuisinière de Mary Beth Keane, Editions 10/18, 2016 (première parution en VO : 2013), 449 pages
4 commentaires :
  1. Ton avis me donne clairement envie !

    RépondreSupprimer
  2. J'ai adoré ce roman, c'est carrément dingue de se dire que cette femme a bien vécu ce genre de situation :(

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis entièrement d'accord ! C'est impressionnant le bon en avant qu'a fait la médecine en un siècle. Ce qui m'a le plus choquée, c'est la campagne publique de diffamation que cette femme a dû endurer, sans pouvoir se défendre. Et de finir sa vie seule comme ça, en quarantaine. C'est triste...

      Supprimer