Margaret Atwood signe une nouvelle dystopie qui explore les vices humains et pose la question de l'origine du désir amoureux.
Stan et Charmaine ont été touchés de plein fouet par la crise économique qui consume les États-Unis. Tous deux survivent grâce aux maigres pourboires que gagne Charmaine dans un bar sordide et se voient contraints de loger dans leur voiture... Aussi, lorsqu'ils découvrent à la télévision une publicité pour une ville qui leur promet un toit au-dessus de leurs têtes, ils signent sans réfléchir : ils n'ont plus rien à perdre.
À Consilience, chacun a un travail, avec la satisfaction d'oeuvrer pour la communauté, et une maison. Un mois sur deux. Le reste du temps, les habitants le passent en prison... ou ils sont également logés et nourris ! Le bonheur. Mais le système veut que pendant leur absence, un autre couple s'installe chez eux avant d'être incarcéré à son tour. Et Stan tombe bientôt sur un mot qui va le rendre fou de désir pour celle qui se glisse entre ses draps quand lui n'y est pas : « Je suis affamée de toi. »
Mon avis :
Si vous avez aimé 1984 de George Orwell, il y a des chances pour que C'est le cœur qui lâche en dernier vous plaise. Margaret Atwood y imagine un monde proche du nôtre, où l'économie s'est effondrée. Pour survivre, les Américains moyens sont obligés d'abandonner leur maison, d'enchaîner les petits boulots, de voler ou de se prostituer. Stan et Charmaine, eux, vivent dans leur voiture, avec toute la promiscuité et l'insécurité que ce logement de fortune implique.
Quand elle a vent du projet Consilience, Charmaine insiste auprès de Stan pour s'y engager. Stan est frileux : on les a prévenus qu'on entre à Consilience, mais que l'on en sort pas. Mais cette vie-là n'est-elle pas plus heureuse que les derniers mois passés dans la voiture ? Sans le savoir, Stan et Charmaine sont entraînés dans une machination qui dépasse de loin ce qu'ils avaient pu imaginer.
Dans ce roman, on retrouve tous les thèmes forts de la dystopie à la George Orwell : un monde post-apocalyptique, des autorités surpuissantes qui contrôlent les faits et gestes de chacun, un progrès scientifique au service de l'aliénation de l'autre et des individus broyés par un système qui les dépasse.
Il y a aussi une pointe de Philip K. Dick dans le récit d'Atwood : les assistantes-robots, les caméras de surveillance et le double-jeu de certains personnages ont un air de Minority Report. Car au fond, Margaret Atwood pose la question de la liberté de l'homme : est-il libre de ses choix, comme celui de se rebeller ou d'aimer quelqu'un ? A ce titre, Stan et Charmaine, l'un passionné, colérique et rebelle, l'autre naïve jusqu'au risible, permettent à l'auteur d'explorer de nombreux vices de l'âme humaine.
C'est le cœur qui lâche en dernier est un de ces romans qui vous font froid dans le dos tant ils interrogent la sincérité du progrès, que l'on nous vend aujourd'hui comme indissociable du bonheur. J'ai particulièrement apprécié le final, qui décuple la puissance du récit et m'a plongée dans le doute.
Lisez-le si... vous aimez les récits dystopiques de George Orwell, Philip K. Dick ou Ray Bradbury.
Le livre :
C'est le cœur qui lâche en dernier de Marget Atwood
Editions Robert Laffond (2017), 450 pages
J'ai lu C'est le cœur qui lâche en dernier dans le cadre de l'opération "Coups de cœur des blogueurs" organisée par le site decitre.fr.
Je remercie Decitre et les éditions Robert Laffont pour cette lecture.
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